LE CETA N'EST PAS MORT

 

Au sein du Parlement européen, qui a lui voté en faveur de la signature de l'accord, une majorité politique se dégageait pour maintenir en vie le plus ambitieux accord commercial jamais négocié par l'UE.

"Le CETA n'est pas mort", ont ainsi lancé mardi à Strasbourg à la fois le chef de file du PPE (droite) au Parlement Manfred Weber et son homologue des libéraux, Guy Verhofstadt."La chose la plus importante (est) de faire les pas nécessaires pour approuver l'accord" d'ici le mois de novembre entre les Etats membres et l'Union, pour une signature "en décembre", a estimé M. Verhofstadt, par ailleurs fin connaisseur des affres de la politique belge en tant qu'ancien Premier ministre du royaume. Le président social-démocrate de l'hémicycle, Martin Schulz, qui appartient à la même famille politique que le dirigeant wallon Paul Magnette, a également mis son poids dans la balance pour un report du sommet UE-Canada. "Je ne crois pas que nous parviendrons à une solution cette semaine. Cela me semble très très difficile", a admis M. Schulz dans un entretien avec la radio Deutschlandfunk, jugeant que "si on a besoin de 14 jours supplémentaires, (alors) on décale un sommet" d'une telle importance.

25/10/2016 23:47:20 -  Bruxelles (AFP) -  © 2016 AFP

Ce qui bloque les Wallons : 

• Des tribunaux d'arbitrage favorables aux multinationales

C'était le principal point de blocage. Les Wallons s'inquiètaient du volet du traité qui prévoit la possibilité pour les multinationales investissant dans un pays étranger de porter plainte contre un État adoptant une politique publique contraire à leurs intérêts. «Ce qu'il faut pour nous, c'est qu'il y ait des clauses juridiquement contraignantes qui fassent en sorte que si demain il y a un conflit entre une multinationale et un État, on n'ait pas affaibli les pouvoirs de l'État de réguler, de protéger nos services publics, nos normes sociales, environnementales, tout ce qui fait le modèle de société européen auquel nous sommes très attachés», explique Paul Magnette, le chef du gouvernement wallon.Dimanche, la Commission européenne a transmis à ce dernier un projet de déclaration visant à lever ses inquiétudes. Selon ce document, il est convenu de la mise sur pied d'un tribunal permanent, composé de 15 juges professionnels nommés par l'UE et le Canada, dont toutes les auditions seront publiques. Il est notamment explicité que «la sélection des tous les juges du Tribunal et du Tribunal d'appel sera faite sous le contrôle des institutions européennes et des États membres, d'une façon rigoureuse, avec l'objectif d'en garantir l'indépendance et l'impartialité, ainsi que la plus haute compétence». Les juges seront rémunérés par l'Union européenne et par le Canada sur une base permanente. De plus, la Commission rappelle que les dispositions concernant la protection des investissements «n'entreront pas en vigueur avant la ratification du Ceta par tous les États membres, chacun conformément à son propre processus constitutionnel».D'après un diplomate européen, ce texte répondait «à toutes les réserves dont Paul Magnette a fait part». Une interprétation contestée par l'entourage de ce dernier qui s'est dit «déçu». «Ce document nous étonne dans la mesure où il contient largement moins d'avancées que celles atteintes précédemment», a confié une source à l'AFP.

• Pas assez de protection pour les agriculteurs

Comme de nombreuses ONG, la Wallonie réclamait plus de garanties en matière agricole. Paul Magnette craignait que le Ceta ne sonne l'arrêt de mort de l'agriculture wallonne. «Une clause de sauvegarde pour les agriculteurs canadiens est prévue, et c'est très bien. Je ne comprends pas pourquoi il n'en va pas de même pour les Européens. Notre partenaire est, c'est vrai, plus petit que l'UE, mais un produit canadien dont les quotas d'exportation se concentreraient sur un pays ou une région pourrait déstabiliser toute une filière», avait-il déclaré la semaine dernière dans un entretien au Monde. Il réclamait «de vraies mesures pour protéger nos agriculteurs». Des députés wallons, comme ceux du parti cdH (centre démocrate Humaniste), ont ainsi appelé à l'inscription dans le traité d'une «exception agricole» qui permettrait de reconnaître que «les produits agricoles et agro-alimentaires ne peuvent être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale».

De son côté, Bruxelles souligne que si le Ceta prévoit en effet la suppression des droits de douane pour presque tous les produits, des exceptions existent pour certains produits agricoles, comme les viandes bovines et porcines, dans le sens Canada-UE. L'accord fournit aussi une protection supplémentaire à 143 produits européens d'origine géographique spécifique (AOC), tels le Roquefort français, le vinaigre balsamique de Modène ou le Gouda néerlandais. Bruxelles l'assure: cet accord ne modifiera pas les règles européennes sur la sécurité alimentaire ou la protection de l'environnement.Vendredi dernier, Paul Magnette admettait que «de nouvelles avancées significatives» avaient été faites sur ce dossier pendant ses discussions avec la Commission européenne ces derniers jours.

• Le Ceta, cheval de Troie du Tafta

L'autre crainte soulevée par les Wallons concerne le Tafta ou TTIP, autre traité de libre-échange négocié par les Européens avec les États-Unis. «Comment s'assurer que le CETA ne sera pas le cheval de Troie du TTIP? Comment faire en sorte que des multinationales ayant un siège au Canada n'utilisent pas le CETA pour bénéficier de tous les avantages qu'offrirait celui-ci et anticiper le TTIP?», s'interroge Paul Magnette dans son entretien au Monde. Cette crainte, balayée par Bruxelles, est pourtant partagée par les ONG à travers l'Europe. «Dès l'approbation du Ceta, les multinationales américaines, qui possèdent de nombreuses filiales au Canada, pourraient utiliser ces mécanismes pour attaquer les réglementations qu'elles jugent défavorables», assure ainsi le collectif Stop Tafta.

 

 

 

 

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