REFORME du COLLÈGE : COUPONS LES LUMIERES

Retour sur une polémique qui a égayé la fin de l’année scolaire 2014-2015, et qui pousse ses pseudopodes dans l’actualité d’aujourd’hui.
On est alors en pleine discussion sur la réforme du collège — et nous savons désormais ce qu’il en est — et sur les programmes qui l’accompagneront. Souci officiel : alléger lesdits programmes de façon à ce que les enseignants aient du temps pour se consacrer à des projets d’EPI — louable souci.
L’Europe médiévale, l’Humanisme et les Lumières sortent grands perdants de la consultation organisée par Michel Lussault, sur lequel (entre autres grands nuisibles de l’Education) le dernier livre de Carole Barjonjette une lumière vive. C’est que notre maître d’œuvre a un objectif : éliminer le « roman national » cher à Dimitri Casali, et même le « récit national » cher à Jean-Pierre Chevènement (qui a analysé avec beaucoup de finesse les sous-entendus idéologiques de notre concepteur de programmes et de sa patronne, qui fidèle à sa tactique lubrifiante et émolliente a tenté de désamorcer le débat).
« Père, gardez-vous à droite, Père, gardez-vous à gauche » : affabulation. Bayard sans peur et sans reproche : légende. Etienne Dolet ou Giordano Bruno (le martyr des idées qui a convaincu Augustine Fouillée de signer « G. Bruno » — et non Ernest Lavisse, comme le pense Pimprenelle — son Tour de France de deux enfants) brûlés pour leurs convictions, épiphénomène. Voltaire défendant Calas ou le chevalier de la Barre, points de détail.

Ce qui compte, évidemment, c’est la participation de la Compagnie des Indes (dont Voltaire détenait effectivement des actions) à la traite atlantique (de la traite saharienne, autant ne pas parler, il ne faut pas désespérer Saint-Denis). Ce qui compte, c’est que la bourgeoisie du XIXème a fondé son entreprise de colonisation sur l’exportation des Lumières — horreur, horreur, horreur, comme dit Kurtz dans le Cœur des ténèbres et Apocalypse now. « Le devoir (et le « droit ») des « races supérieures » chères à Jules Ferry sur les « races inférieures », voilà ce qui résulte d’une siècle de voltairianisme.
Alors, d’accord : les enseignants d’Histoire et les profs de Lettres ne sont pas forcés de suivre à la ligne les ratiocinations barbares et les certitudes idéologiques de Michel Lussault / Najat Vallaud-Belkacem. Oui — mais ils peuvent aussi les suivre. Après tout, c’est Aggiornamento, un site de profs d’Histoire, et Laurence de Cock en particulier (qui à la même date défendait ces absurdités grenelliennes sur Médiapart — où diable les aurait-elle défendues sinon là ?), qui sont responsables de cette partie des programmes. Leur sphère d’influence ne s’étend peut-être pas plus loin que les Cahiers pédagogiques — mais ils tiennent le haut du pavé, et le conformisme professoral aidant, peuvent influer sur ce qui se fait effectivement en classe. D’autant que nombre d’enseignants trouvent plus simple, selon les publics auxquels ils font face, de modérer leur enthousiasme devant les belles déclarations d’athéisme pratique de D’Alembert ou La Mettrie et de contourner un vin de messe qui a peu de chances d’être hallal.

Nous ne pouvons pas vivre et enseigner sous la férule d’idéologues (l’idéologie étant, comme l’a fort bien dit Hannah Arendt, le recours de ceux qui renoncent au réel). L’Histoire est un produit dangereux, disait Valéry — certes ! Entre les mains de ces gens-là, elle devient une arme de destruction massive.
Destruction de la mémoire nationale, au profit d’une mémoire supra-nationale — on sent une influence démesurément trotskyste chez nos réformateurs. Destruction du tissu national au profit de l’habit d’Arlequin des communautarismes. Destruction de la langue française au profit d’une revalorisation insensée de l’oral spontané, porteur pourtant de tous les préjugés, de tous les fanatismes hérités des parents et des jolis sites qui fleurissent sur le Net. Avec un peu de chance, une réforme qui s’applique à tous les niveaux en même temps fera émerger à terme une génération absolument déboussolée, coupée des bases historiques de la nation, et qui ira se mettre à l’heure de La Mecque ou des intérêts bruxellois.
Parce qu’il y a une collusion évidente entre les libertaires militants qui ont inspiré ces programmes et les libéraux décomplexés qui disent « le marché » comme d’autres autrefois disaient « Dieu ». Retour du veau d’or sous l’appellation contrôlée Apple et Goldmann Sachs. Vider les cervelles pour y insinuer l’adoration du « produit » jetable et des dividendes.

Le récit national est, dans un Etat laïque, la seule source de transcendance. C’est ce qui a permis aux « soldats de l’an II » de vaincre les coalisés royalistes, ce qui a permis aux pioupious de 14 de résister sur la Marne, la Somme ou à Verdun, ce qui a permis à ceux qui croyaient au ciel comme à ceux qui n’y croyaient pas de s’opposer à la machine de guerre nazie.
Et aujourd’hui ? D’une école décérébrée, qu’est-ce qui sort ? Des gosses en quête d’une transcendance qu’ils vont demander à d’improbables émirs du désert — parce que l’immanence d’un monde bâti sur des « produits » à obsolescence programmée ne suffit pas à combler l’aspiration légitime au dépassement. Gauche et Droite nous ont fabriqué l’école que demandaient les financiers — et ce faisant, sans trop savoir ce qu’elles faisaient, elles nous ont imposé l’Ecole qu’espéraient les fanatiques. « Changer la vie », chantait le PS en 1977. « Les travailleurs travaillent pour la France / Pas au profit de quelques possédants ». Il faut l’écouter pour le croire. Qu’en reste-t-il ? Les appétits de puissance de quelques apparatchiks, qui s’accommodent assez de l’ombre — et qui la souhaitent, puisqu’ils s’efforcent de couper les Lumières.

Jean-Paul Brighelli

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